Comment améliorer l’accès des petites entreprises aux marchés publics ? Interview de Claire Allard

Faire appel à des petites et moyennes entreprises (PME) pour vos besoins en biens et services peut considérablement faire évoluer vos pratiques d’achats pour contribuer à la transition économique bruxelloise. En effet, ces entreprises sont des moteurs d’innovation et peuvent vous proposer des solutions auxquelles vous n’avez peut-être pas encore pensé. Mais pour que celles-ci puissent répondre, vous devez veiller à adapter la manière dont vous construisez votre marché. Claire Allard, fondatrice de Citynova, une agence de communication durable située à Anderlecht, témoigne.

Répondez-vous souvent à des marchés publics ? Pourquoi ?

Nous répondons régulièrement à des appels d’offres publics, en privilégiant ceux qui ont un impact social ou environnemental positif. Ils représentent environ 60% de nos commandes. Notre priorité est de créer des produits ayant un impact positif sur la vie des citoyen·ne·s tout en réduisant notre empreinte environnementale. Travailler avec des organismes publics nous permet d’atteindre directement ces objectifs.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que petite entreprise pour répondre à des marchés publics ?

Il y a plusieurs difficultés auxquelles nous faisons face. En voici trois :

Le premier cas concerne les marchés dont le prix est le critère de sélection principal. Dans ce cas de figure, nous ne répondons pas car nous voulons proposer un travail de qualité, avec des matériaux durables, ce qui implique forcément un prix plus élevé que d’autres. Je suggère toujours d’avoir un ratio avec le prix, la méthodologie, l’expérience, etc.

Un autre élément qui peut nous compliquer la tâche est le manque de transparence sur l’estimation du budget. Si l’on me demande de réaliser un jeu de société avec un budget de 5 000€ ou de 15 000 €, je ne vais pas proposer le même jeu. Le premier sera sûrement un jeu de cartes alors que le 2e pourrait être un jeu de plateau avec divers éléments. Il vaut mieux nous donner une enveloppe fermée, pour que nous puissions proposer des solutions adaptées. La troisième chose qui rend difficile pour nous la réponse à ces marchés est la demande de travail en amont. Pour les plus gros budgets, une note d’intention et/ou un moodboard peuvent-être envisageables. Demander de créer une méthodologie ou un design comme critère de sélection demande beaucoup de temps qui ne sera pas payé. C’est ce qu’on appelle le speculative work en anglais, il y a ici une chouette vidéo qui explique le concept. Souvent, ces concepts faits à la va-vite ne correspondent pas assez à la demande de la clientèle ou des publics cibles, car aucun rendez-vous n’a pu être fait en amont. Notre travail est collaboratif, il est important de travailler main dans la main entre fournisseur de service et client. Les références de projets similaires et la méthodologie peuvent permettre d’aider à faire un choix plutôt que de demander un travail en amont.

Quelles sont vos suggestions pour que les cahiers des charges soient rédigés de sorte à laisser leur chance à de petites entreprises ?

Je pense que l’idéal est de donner un budget maximum, d’avoir des critères tels que la méthodologie/organisation, des références de projets précédents, et une vision sur la durabilité et l’inclusivité. Si la personne en charge du projet n’a aucune idée du type de budget nécessaire, cette personne peut se renseigner auprès de professionnels et leur demander des fourchettes de prix. 

Est-ce que selon vous, les entreprises bruxelloises sont prêtes à répondre aux exigences durables plus importantes des pouvoirs publics ?

Je pense que les entreprises comme la nôtre désirant avoir un impact positif sur le monde seront ravies de voir des demandes incluant la durabilité dans les critères. Il faudra par contre s’assurer de ne pas tomber dans le greenwashing (ni d’un côté ni de l’autre) et choisir ensemble les solutions idéales en tenant compte du fait que des matériaux récupérés prennent plus de temps, des matériaux biosourcés coûtent plus cher,… Il faut aussi se poser la question du nombre d’exemplaires réellement nécessaires, de la réutilisation du produit fini, la fin de vie de l’objet, etc.

Quels sont vos conseils pour les petites entreprises qui souhaitent répondre à ce type de marché ? 

Je conseillerais de déjà rencontrer des fournisseurs durables et de rester au courant des dernières innovations par rapport aux matériaux. De se renseigner sur l’éco-conception (en lisant “l’éco-conception pour les graphistes” de Lucile Quero par exemple) et le marketing durable (le super podcast d’Anaïs Baumgarten “Slow Marketing” nous donne plein de conseils à ce sujet) afin de connaître mieux le thème.